110 milliards de dollars : voilà la somme allouée depuis 2022 par les grandes puissances à la conquête de l’ordinateur quantique. Pendant que la Chine et les États-Unis se livrent à une surenchère technologique, l’Union européenne, le Japon et le Canada peaufinent chacun une stratégie audacieuse. Un chiffre seul ne dit pourtant rien de la réalité : tous ces pays annoncent avoir mis en service des ordinateurs quantiques, mais impossible de trouver deux machines identiques, ni même deux visions alignées sur la fiabilité ou l’accès à ces technologies.
La France affiche une volonté de rattrapage assumée. Son élan repose sur des alliances internationales inédites et des investissements publics massifs. Mais le secteur reste un patchwork : chaque État cultive sa propre approche, ses alliances, ses choix technologiques. Aucune norme universelle, juste une mosaïque de paris, et, derrière eux, la promesse d’une révolution qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Plan de l'article
Où en est l’informatique quantique dans le monde aujourd’hui ?
Parler d’informatique quantique aujourd’hui, c’est évoquer une aventure technologique qui échappe à la science-fiction. La compétition mondiale pour l’ordinateur quantique bouleverse les équilibres, secoue les laboratoires, attise les ambitions des géants privés et des États. Depuis que Google a brandi la suprématie quantique en 2019 avec son processeur Sycamore, les annonces fusent, entre percées spectaculaires et promesses à tempérer.
Le calcul quantique repose sur les fameux qubits, ces unités fragiles dont la manipulation relève encore de l’alchimie. Les prototypes existants ne servent pas encore l’industrie à grande échelle, mais certains franchissent déjà la barre symbolique de la centaine de qubits physiques. Les avancées menées par IBM, Microsoft ou Intel ponctuent l’actualité : à chacun sa méthode, à chacun sa course pour transformer des architectures expérimentales en qubits logiques fiables, prêts à intégrer demain les chaînes de production ou les laboratoires pharmaceutiques.
Pour mieux saisir les lignes de force, voici un panorama des stratégies des leaders :
- Google revendique la suprématie quantique, mais ses résultats prêtent encore à débat dans la communauté scientifique.
- IBM affiche une feuille de route transparente vers le millier de qubits et permet déjà aux chercheurs d’accéder à ses machines via le cloud.
- Microsoft et Intel misent sur des approches hybrides et sur l’intégration du quantique à leurs écosystèmes logiciels.
Mais toutes les technologies ne se valent pas. Qubits supraconducteurs, ions piégés, circuits photoniques : chaque piste présente ses défis, ses promesses et ses pièges. L’avantage quantique, cette capacité à surpasser le meilleur des ordinateurs classiques, reste une cible mouvante. L’industrie n’a pas encore trouvé la martingale, mais la cadence de la recherche laisse présager des ruptures qui pourraient rebattre les cartes du domaine informatique quantique.
Quels pays possèdent un ordinateur quantique opérationnel ?
La concurrence quantique ne faiblit pas. Chaque grande puissance revendique des avancées, chacune avance ses pions selon une recette nationale faite de recherche académique, de partenariats publics-privés et de soutien d’État. À l’arrivée, le paysage mondial dessine une série de trajectoires divergentes, entre modèles industriels et visions scientifiques.
La Chine s’illustre par la rapidité de ses investissements et le foisonnement de ses prototypes. L’Université des sciences et technologies de Chine (USTC) fait régulièrement la une avec ses innovations. Le prototype photonique Jiuzhang a frappé fort : il a permis à Pékin de revendiquer une démonstration de suprématie quantique sur des tâches ciblées. Derrière cette performance, la Chine affiche une ambition nette : bâtir un ordinateur quantique universel en s’appuyant sur un tissu dense de start-up et de centres de pointe.
Côté français, la mobilisation s’accélère. Les grands instituts comme le CNRS, le CEA et une poignée de sociétés spécialisées tracent la voie. Depuis 2021, le plan quantique injecte plusieurs centaines de millions d’euros pour propulser la recherche et l’innovation. Le choix : ne négliger aucun axe. Supraconducteurs, ions piégés, silicium, chaque solution est explorée. Plusieurs prototypes atteignent aujourd’hui des dizaines de qubits et s’inscrivent dans un réseau de collaborations entre industriels, start-up et laboratoires publics. La France s’impose ainsi parmi les pôles européens les plus dynamiques.
Les États-Unis conservent une longueur d’avance grâce à la puissance de leurs entreprises, Google, IBM, et à la synergie entre universités, start-up et agences fédérales. À la différence de certaines nations, l’accès aux prototypes est souvent ouvert en ligne, ce qui favorise une recherche mondiale et collaborative, tout en renforçant leur leadership.
Projets européens et collaborations majeures : une dynamique en pleine accélération
L’Europe, loin d’observer en retrait, s’est dotée d’un plan quantique européen à près d’un milliard d’euros pour organiser la montée en puissance du calcul quantique. Plusieurs pays avancent côte à côte, mutualisant efforts, laboratoires et ressources pour accélérer la course aux technologies quantiques.
Ce mouvement insuffle un nouvel élan, en favorisant les plateformes hybrides où chercheurs publics, industriels et jeunes pousses travaillent main dans la main. Le projet Quantum Flagship réunit ainsi quinze pays autour de trois axes : développement de ordinateurs quantiques avancés, fiabilisation des qubits et construction d’architectures évolutives. L’Allemagne, la France et les Pays-Bas occupent les premières places, tant par le nombre de projets que par la force de leur réseau scientifique.
Pour illustrer cette dynamique, voici quelques chantiers phares impulsés par l’Europe :
- Déploiement de plateformes d’essai partagées pour expérimenter les machines qubits de nouvelle génération
- Développement de logiciels maison pour tirer pleinement parti des ordinateurs quantiques
- Mise en place de formations pluridisciplinaires afin de préparer une nouvelle vague d’experts
La coopération européenne ne se limite pas à ses frontières. Des partenariats s’établissent avec des leaders nord-américains ou asiatiques, facilitant la circulation des connaissances tout en garantissant une maîtrise souveraine des technologies. L’Europe avance, portée par une ambition résolue : occuper une place de choix dans la société numérique de demain et garder la main sur les outils les plus stratégiques.
La France, un acteur ambitieux dans l’écosystème quantique mondial
La France s’affirme sur la scène internationale avec une stratégie affirmée et des investissements structurants. L’annonce du plan quantique en 2021 a marqué un changement de cap. Avec 1,8 milliard d’euros mobilisés, le pays se hisse parmi les leaders européens du secteur des technologies quantiques.
Les poids lourds de la recherche, CEA et CNRS, fédèrent autour d’eux laboratoires, start-up et grands groupes. Leur objectif : dessiner les contours d’un ordinateur quantique universel, perfectionner les algorithmes, imaginer des cas d’usage concrets pour la société numérique, santé, énergie, cryptographie, intelligence artificielle.
Voici les axes principaux de cette mobilisation :
- Le CEA dirige des programmes sur les qubits en silicium et les technologies supraconductrices.
- Le CNRS structure l’effort de recherche fondamentale et son application vers l’innovation.
- De nouvelles entreprises émergent, souvent en partenariat avec les universités, pour accélérer la création de prototypes et leur mise sur le marché.
L’esprit d’innovation ouverte irrigue toute la filière. L’objectif : forger un écosystème capable de rivaliser avec les géants nord-américains et asiatiques. En encourageant la synergie entre recherche, industrie et formation, la France trace une trajectoire ambitieuse où chaque nouvelle percée, qu’il s’agisse d’un algorithme, d’une puce ou d’un logiciel, vient renforcer la vitalité du secteur.
Le pari quantique est lancé, et la partie ne fait que commencer. Qui, demain, prendra l’avantage décisif sur cet échiquier mondial où la puissance de calcul redéfinit déjà les règles du jeu ?



