Personne n’a jamais vu une crise économique arrêtée par la magie ou le hasard. Derrière chaque période de prospérité, il y a des choix, des règles, des débats en coulisses. Milton Friedman, figure tutélaire du monétarisme, a posé l’une des balises les plus discutées de la politique monétaire : la règle d’or. Selon lui, la masse monétaire doit avancer au même rythme que la croissance du PIB, ni plus vite, ni moins. Ce principe, simple en apparence, vise à barrer la route à l’inflation galopante comme à la déflation sournoise.
Mettre en œuvre la règle d’or de Friedman exige de la rigueur et une lecture fine des signaux économiques. Les responsables des banques centrales scrutent les indicateurs, ajustent leur cap et veillent à maintenir une trajectoire stable. Ce travail de précision conditionne la solidité de la croissance sur le long terme.
Qui était Milton Friedman et quelle est sa règle d’or en politique monétaire ?
Milton Friedman, pilier de l’école de Chicago, a profondément marqué le débat économique du XXe siècle. Fervent défenseur du monétarisme et de la théorie quantitative de la monnaie, il a inspiré des décideurs majeurs tels que Paul Volcker ou Ben Bernanke à la tête de la FED. Sa lecture attentive de la crise de 1929 et sa capacité à déchiffrer la stagflation l’ont imposé comme une référence incontournable.
Friedman a défendu une approche claire : pour préserver la stabilité économique, il faut contrôler avec précision la masse monétaire. Il recommande d’aligner sa croissance sur le rythme du PIB. Trop de création monétaire ? L’inflation s’emballe. Un rythme trop lent ? La déflation menace. Sa théorie place la stabilité des prix au centre du jeu, condition sine qua non pour une croissance saine et durable.
Trois points résument l’esprit de la règle d’or de Friedman :
- Veiller de près à l’évolution de la masse monétaire
- Synchroniser cette progression avec celle du PIB
- Placer la stabilité des prix comme objectif prioritaire
Cette doctrine a particulièrement influencé la FED sous l’ère Volcker, utilisée pour affronter la stagflation des années 1980. Plus près de nous, Ben Bernanke s’est appuyé sur les travaux de Friedman pour naviguer à travers la tempête de 2008.
Les principes fondamentaux de la règle d’or de Friedman
La règle d’or de Friedman s’appuie sur des principes précis, pensés pour éviter les travers d’une intervention trop fréquente. Leur application exige une discipline constante des banques centrales.
Stabilité de la masse monétaire
Au cœur de la démarche, un contrôle strict de la masse monétaire. Friedman recommande de faire croître la quantité de monnaie à un rythme régulier, en phase avec la progression du PIB. Ce garde-fou limite les secousses sur les prix et protège contre les emballements inflationnistes.
Voici ce que cela implique concrètement :
- Fixer à l’avance un rythme de croissance monétaire, stable et prévisible
- Limiter les interventions ponctuelles des banques centrales
Indépendance de la politique monétaire
Pour Friedman, les banques centrales doivent fonctionner sans subir de pression politique. L’enjeu ? Empêcher les décisions de circonstance qui sacrifieraient la stabilité de long terme sur l’autel des intérêts immédiats.
Deux éléments structurent cette indépendance :
- Donner aux banques centrales l’autonomie nécessaire pour agir selon des critères économiques
- Favoriser la transparence et une communication limpide sur les objectifs poursuivis
Focus sur la stabilité des prix
La stabilité des prix n’est pas accessoire : c’est la pierre angulaire. Maintenir une inflation basse et stable réduit l’incertitude et permet aux acteurs économiques de se projeter.
Dans la pratique, cela signifie :
- Faire primer la stabilité des prix sur d’autres préoccupations économiques
- S’appuyer sur la théorie quantitative de la monnaie pour orienter les choix de politique monétaire
Suivre ces principes, c’est éviter les erreurs historiques, celles qui ont précipité la crise de 1929 ou la stagflation des années 1970.
Comparaison entre la règle d’or de Friedman et les autres théories monétaires
Différences avec le keynésianisme
La vision de Friedman tranche nettement avec celle du keynésianisme. D’un côté, une préférence pour l’ordre, la prévisibilité monétaire ; de l’autre, une foi dans les interventions publiques pour doper la demande en période difficile.
Deux approches se font face :
- Friedman : miser sur la stabilité monétaire pour maîtriser l’inflation et garantir un environnement prévisible
- Keynes : recourir à l’action de l’État pour stimuler la demande lors des crises
École de Chicago vs école keynésienne
L’école de Chicago, animée par Friedman, défend le monétarisme et l’idée que la masse monétaire influence directement les prix. À l’inverse, les keynésiens privilégient la relance budgétaire.
| École de Chicago | École keynésienne |
|---|---|
| Gestion rigoureuse de la masse monétaire | Intervention publique sur l’économie |
| Objectif de stabilité des prix | Soutien à la demande globale |
| Banques centrales indépendantes | Poids des politiques budgétaires |
Influence sur les politiques contemporaines
L’héritage de Friedman s’observe clairement dans les choix récents des grandes banques centrales. Paul Volcker, à la FED, a affronté la stagflation des années 1980 en relevant massivement les taux d’intérêt, s’inspirant du monétarisme. Plus tard, Ben Bernanke a mobilisé les idées de Friedman pour affronter la crise de 2008.
Deux exemples illustrent ce passage à l’action :
- Paul Volcker a haussé les taux pour freiner l’inflation et restaurer la confiance
- Ben Bernanke a misé sur une politique monétaire adaptée pour stabiliser le système financier
Impact et pertinence de la règle d’or de Friedman dans le contexte économique actuel
La crise de 2008 a donné un relief particulier à la règle d’or de Friedman. Ben Bernanke, alors patron de la FED, s’est appuyé sur ses théories pour agir sans provoquer d’emballement inflationniste. Il a eu recours à des mesures exceptionnelles de création monétaire, tout en gardant l’œil rivé sur la stabilité des prix.
Stabilité monétaire en zone euro
La Banque centrale européenne a adopté une ligne proche de la règle d’or de Friedman, en maintenant un cap strict sur la stabilité des prix. Cette stratégie a permis de contenir l’inflation et d’offrir une visibilité appréciable aux acteurs économiques de la zone euro.
Les priorités de la BCE se déclinent ainsi :
- Veiller à ce que l’inflation ne dérape pas
- Renforcer la confiance des marchés via la prévisibilité
- Protéger la stabilité des prix à long terme
Résonance globale des idées de Friedman
L’empreinte de Friedman dépasse largement les frontières américaines. De la Banque d’Angleterre à la Banque du Japon, de nombreuses institutions s’inspirent de ses principes pour piloter la masse monétaire. La règle d’or, croissance mesurée, anticipée et encadrée de la monnaie, reste une boussole pour nombre d’économistes et de décideurs publics.
Difficile de nier l’impact de ses idées sur la gestion monétaire contemporaine. Les exigences de stabilité monétaire et de lutte contre l’inflation, au cœur de la règle d’or, continuent de guider les grandes banques centrales. Dans un monde où chaque décision compte, la leçon de Friedman reste d’une actualité brûlante : la discipline monétaire n’est pas une contrainte, c’est la condition de la confiance et de la pérennité économique.



